Je n’y crois plus

 

Est-il possible de cesser de croire que mon art sera reconnu un jour sans pour autant être désespérée ? Est-ce vraiment la fin d’un espoir mais dans ce cas pourquoi ne suis-je pas plus affectée ? Est-ce une dépression qui ne dit pas son nom ?

Je me demande parfois si je n’ai pas fait fausse route et si le chemin emprunté était bien le mien.

En épousant un artiste, j’ai fait miens ses rêves de consécration mais à vrai dire, je n’étais ni attirée par la richesse ni par la célébrité. C’est peut-être pour cette raison que je ne souffre pas de n’avoir pas réussi. Mais peut-être le plus dur est la sensation d’être passée à côté de ma vie.

Je suis à la dérive. Avec une minuscule retraite dont je préfère taire le montant, tant il est dérisoire, je sais que je devrais tenter de trouver des revenus complémentaires. Je n’ai jamais su vendre mes livres et encore moins mes peintures, ni même les centaines d’images numériques crées au fil des ans. Je dois avoir un problème avec l’argent. Écrire est pour moi une fuite, Internet une illusion. Je ne me vois pas passer mes journées sur les réseaux sociaux accrocher des contacts abstraits. Je n’y crois plus. ll est trop tard et de toute façon, le monde a changé. Comment pourrait-il me reconnaître si je me sens de plus en plus étrangère à ses valeurs qui l’animent ?

Et si ce n’était pas du théâtre ?

Hier, je me suis éveillée avec une impression à fleur de rêve. Une pièce de théâtre à quatre personnages : Un couple était confronté à deux femmes ; l’une aimable et positive voyant ses actions contrées par une fouteuse de merde déclenchant des catastrophes. Les détails de ce rêve se sont progressivement effacés et si je devais écrire une pièce à partir de là, tout resterait à inventer. Deux mots me sont venus, l’espoir et la fatalité. Je n’avais pas vraiment conscience que la fatalité était l’antidote de l ‘espoir mais à présent ceci me semble une évidence.

Et s’il ne s’agissait pas de théâtre ? Ma dernière pièce date de dix ans et je ne suis plus disposée à en écrire d’autres si je ne peux pas me dire qu’elles seront jouées un jour

D’ailleurs, j’ai oublié le théâtre et surtout la vie qui va avec. En moi, il n’y a plus de personnages attendant d’être créés pour habiter ces bribes de fiction incarnés par d’hypothétiques comédiens. Je leur ai rendu leur liberté et les ai laissés filer.

C’est là qu’intervient madame fatalité. Est-elle la sœur du désespoir, la fille de la lucidité, la mère de tous les échecs ?

Il est vrai que dans mon rêve, elle avait des allures de femme fatale. Je l’imagine portant un parchemin où sont consignés tous mes combats perdus et je comprends qu’il me faudrait baisser les bras.Je me demande où est passé la porteuse d’espoir. Sans doute partie avec tous ces personnages que je n’ai pas su retenir.

« Avec le temps, va tout s’en va « chantait Léo Ferré. Les écrits et les peintures restent mais le feu sacré qui me poussait à créer serait-il sur le point de s’éteindre ?

L’impression de fatalité engourdit mes forces vives. Créer, pour qui pour quoi ? Sans amertume ni désespoir, je ne peux tout à fait m’abstraire de la place ou plutôt l’absence de place fut la mienne durant toutes ces années.

Est-il vraiment désespérant de ne plus attendre la moindre reconnaissance ou est-ce le jaillissement de la conscience de la totale gratuité de l’acte artistique ? Ce qui est semé n’atteint peut-être jamais la cible espérée mais existe quelque part dans l’entendement infini. Car si les œuvres de l’esprit ne rencontrent pas l’adhésion de la société, leur diffusion peut d’irriguer le flux des connaissances et alimenter le vivier de la création.

Ma destinée parmi ceux qui ne sont rien

 

Depuis que Jupiter nous l’a appris, nous savons désormais qu’il y a des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien. Vu qu’il n’existe que deux cases pour classer les individus,on peut donc en déduire que si l’on ne réussit pas, c’est que l’on n’est rien.

Plus facile pour moi de me situer : Vu que je n’ai pas réussi à faire reconnaître mon art, c’est donc que ne je ne suis… rien.

Ce n’était pourtant pas mon impression… Être artiste, c’est être habité par sa création et ce n’est pas rien, mais est-ce suffisant ? Si fée de la chance ne s’est pas penchée sur votre berceau pour vous aider à rencontrer le succès pour les grands de ce monde vous n’êtes rien .

Cet propos très révélateur de la « pensée complexe » d’Emmanuel Macron semble être une variante de la notion de gagnants et de perdants qui fait s’agiter les marionnettes autour de l’avoir et du paraître. Mais en dépit du mépris affiché à leur encontre, il y a parfois quelque chose de beau, de pathétique, d’héroïque ou de sublime chez les perdants. Par contre si l’on dit de vous que vous n’êtes rien, on nie votre existence. On vous efface tout simplement de la communauté humaine. Léonard Cohen évoquait les perdants magnifiques  » Beautiful losers « .On pense bien sûr à tous les artistes maudits qui ont enfanté des soleils qui n’atteignent le monde des gagnants que lorsque leur création devient rentable. Mais lorsqu’un artiste parvient à la reconnaissance ne serait-ce que post-mortem ( surtout post mortem car un va-nu-pieds bouleversant et génial est moins dérangeant mort que vivant), il rejoint par sa célébrité le cercle de ceux qui ont réussi .Et tant pis si sa vie n’a été que solitude, misère et souffrance

Être un perdant, c’est gravir la même échelle que les gagnants mais en sens inverse et d’une certaine façon, ça permet d’aller beaucoup plus loin.

Sur quelle trône peut espérer au mieux s’asseoir l’ambitieux qui vise le plus haut podium ? Président de la République ? Parmi les gens que les heureux élus de la réussite excluent de leur monde parce qu’ils les considèrent comme des perdants, certains gravitent déjà dans une autre galaxie. Le sens de leur vie, leurs joies, leur quête leur ouvrent les portes d’un univers non matériel. Ils n’ont nul besoin d’un trône pour dominer des gens soumis ni d’argent trébuchant et sonnant pour capter les lumières artificielles. Leur monde à eux est infini.

Quand l’ambitieux rêve d’aller plus loin que la présidence de la république, il peut toujours se rêver en Jupiter. Mais il faut savoir être humble, puiser sa force dans le rien pétri d’amour, ou voir le monde avec les yeux d’un artiste pour effleurer les plans divins.

 

Passage sinueux, cible et arc 10. Martina Charbonnel

 

Passage sinueux, cible et arc 10.( acrylique sur toile ), 70x70x2 cm par Martina Charbonnel (2012)

Cette petite série de peintures reprend les anneaux de cible parallélogramme mais . le cordon qui relie et traverse les figures et permet le passage au dessus de la toile ( de part et d’autre) est désormais sinueux alors que dans toutes les peintures précédentes, il s’agissait d’une simple courbe. Les pieds personnages sont en forme d’arc de cercle qui donnent d’avantage une impression de glisse.

 

Lorsque l’amour a déserté

arbre hivernal 2

Comment appeler le manque d’amour, celui qui n’a pas été reçu parce que peut-être trop mal donné ou celui qui ne s’éprouve que dans la douloureuse sensation de manque ? Pourquoi pas le désamour, mais celui-ci suppose qu’il y ait déjà eu de l’amour.
Le désamour me fait penser à la phrase d’une chanson de Charles Aznavour : »Il faut savoir quitter la table lorsque l’amour est desservi « . Faut-il vraiment quitter la table ou continuer le repas seul parce que les nourritures consommées avec l’être aimé ont révélé une coupe pleine de promesses attendant de se remplir à nouveau?
Il est courant d’opposer la haine à l’amour. Mais la haine est-elle vraiment le contraire de l’amour ? Pas toujours, car il existe une infinité de nuances dans l’amour que l’on ne trouve pas en symétrie dans la haine. La haine a toujours une connotation passionnelle. L’amour qui serait son contraire serait un amour-passion, un amour possessif ou au mieux un amour intense. Or, il existe des formes d’amour bien plus harmonieuses : De l’amour parental à la bienveillance, en passant par l’amour du maître envers ses disciples sans oublier l’amour apaisé des vieux amants.
Mais quand le rêve vient à se briser, que l’amertume qui emplit la coupe de larmes entraîne un torrent dévastateur appelé haine, n’est-ce pas le contraire de l’amour ? Dans la haine, il y a un retournement émotionnel. L’inversion de l’amour en un sentiment négatif  laisse à penser qu’il s’agit de son contraire, mais la haine ne suit pas une trajectoire inversement proportionnelle à l’intensité de l’amour déçu. Une fois enclenchée, elle construit sa propre dynamique alimentée par d’autres frustrations qui font que même si une personne ressentant de la haine se réconciliait avec la personne qui en est à l’origine, elle éprouverait une grande difficulté à se libérer des négations perturbant la relation.
Que serait ce non-amour qui ne serait ni du désamour ni de la haine ? Serait-il de l’indifférence ? À soi-même ? Aux autres ? L’indifférence masque souvent des attentes déçues.
Le non-amour est un amour qui n’a pas encore déployé ses ailes, peut-être faute d’avoir appris à voler ou rencontré les circonstances lui permettant de les déplier. C’est le manque attendant la plénitude, le chemin où la rencontre espérée n’a pas encore eu lieu. C’est la quête tendue vers l’éveil. Le non-amour ressemble à de l’amour inaccompli ou encore à de l’amour en différé. La différence entre le désamour, la haine et le non-amour peut être illustrée par l’exemple d’une coupe prévue pour recevoir l’amour.
Le désamour est une coupe ayant été servie puis desservie et oubliée dans un coin. La haine est une coupe devenue vide, puis renversée et cassée. Le non-amour est une coupe presque vide, qu’une main fébrile tend vers le ciel pour la remplir. Mais déjà ce geste est une offrande et par lui le non-amour devient amour.

Extrait  de mon livre « Une aventurière de Dieu »

http://www.thebookedition.com/une-aventuriere-de-dieu-martina-charbonnel-p-45557.html

http://www.mckeditions.com/m%C3%A9ditations-t%C3%A9moignages/une-aventuriere-de-dieu/

Tout le monde, il est humanitaire

image la grognasse

« Au diable la politique : Maintenant, faut vivre avec son temps. De nos jours, tous les gens, ils sont humanitaires. Moi aussi. C’est plus fort que moi, Comme c’est de famille, je crois que c’est génétique.

Ma sœur, elle récupère des fringues d’occase. Des fois, y a des trucs de marque. Avec ça, elle a ouvert une friperie. Elle garde quand même les vêtements les plus usagés pour les plus pauvres. Comme ça, on les repère plus facilement. Faut bien les reconnaître si on veut les aider !

Mon beau-frère, il fait de l’humanitaire avec les embryons ! Il milite contre l’avortement. Il a peur qu’on empêche de vivre tous les embryons jugés indésirables. Quand je le regarde bien, je le comprends un peu ! Si l’avortement avait été autorisé avant sa naissance, il en aurait jamais réchappé !

Ma fille, elle est humanitaire avec les animaux. Elle fait partie d’une association qui protège les pigeons contre la dératisation.

Ma cousine, elle est humanitaire avec les malades, pour qu’ils meurent plus vite. C’est parce qu’elle infirmière. Elle milite pour l’euthanasie, mais faut surtout pas dire qu’elle libère à la fois les malades de la souffrance et la sécu de pathologies coûteuses. C’est héroïque et très risqué, car à part quelques ministres de la santé compréhensifs, c’est pas vraiment dans les mœurs.

Mon ex aussi a toujours eu la fibre humanitaire. Lui, il s’implique dans l’humanitaire pour patrons. Pendant des années, il a fait des heures sup sans jamais demander de pognon, rien que pour lui rendre service. Faut bien penser aux patrons quand-même! Ce sont tout de même des êtres humains, les patrons et il faut bien aimer son prochain Mais il sera récompensé. Le prochain licenciement sera pour lui. On est toujours le prochain de quelqu’un !

Moi, je travaille pour la banque européenne. Enfin, je suis plutôt dans l’alimentaire. La banque alimentaire, c’est là où ils récupèrent tous les surplus de la communauté européenne : vache folle, poulet à la dioxine, porc et fromage à la listéria, maïs transgénique et fruits de mer aux boulettes de fioul ! Avec tout ça, on compose des menus européens pour les pauvres : Cassoulet à la morue portugaise, pizza frites, saucisse de Francfort aux arêtes de saumon fumé, steak-paella ; le tout est arrosé de bière de Munich mélangée au Castelvin. Comme apéro, on fait de la Sangria, avec les fruits jetés par les agriculteurs en colère. On sert tout ça aux sans-abri pour les fêtes de Noël. Comme ils auront jamais l’occasion de voyager, ça leur fait un peu découvrir l’Europe. Tout le monde a droit à son petit coin d’Europe ! J’ai aussi fait bénévole aux restaurants du cœur Avant, je récupérais la bouffe pour manger la même chose, mais j’ai dû arrêter : Le dermato me l’a interdit ! Fallait tout le temps me passer de la pommade pour soigner mes boutons attrapés en consommant les produits trop frais.

Moi, quand je fais de l’humanitaire, je le fais pas n’importe comment ! Avant de me décider, j’attends de voir s’il y a beaucoup de gens qui donnent.

Quand ils lancent un appel pour recueillir des réfugiés, j’attends d’être bien au-delà du cinq-cent millième à proposer un toit ! Comme ça, il y en a plein avant moi et j’économise ma générosité pour une autre catastrophe : Avec les intérêts je n’en serais que plus prodigue.

N’empêche qu’il faut faire attention avec les réfugiés. On a une voisine qui a adopté un réfugié “syldave”, il y a quelques années :  Et bien, elle l’a toujours. Il dort même avec elle sur son lit. Elle l’emmène partout en vacances, au camping bien sûr et même à l’hôtel quand ils les acceptent. Faut dire qu’elle est seule et que ça tient bien compagnie, un réfugié !

Moi, j’aimerais choisir qui j’accueille. Un réfugié célibataire, ce serait mieux. Parce que s’il a une femme qui traîne tout le temps dans ma cuisine pour faire des plats étrangers, c’est pas pratique,  sans parler des enfants mal élevés qu’on peut même pas engueuler parce qu’ils comprennent que le “bordure” ou le “syldave!” 1 ! Un jeune et beau mec sachant tout faire, là, je dis pas non. Sauf, que si beaucoup de gens se proposent avant moi, les meilleurs risquent d’être déjà pris. C’est comme les soldes : Quand on veut une occase, faut pas perdre de temps et faut savoir prendre des risques. Si ça convient pas, on peut toujours garder le ticket retour pour l’échanger ! Et mon mari dans tout ça ? Bof ! Lui, je le garde par humanité, mais pour le caritatif sexuel, j’ai déjà donné.

Maintenant, même les personnes âgées font de l’humanitaire. Ma belle-mère, elle s’y est mise aussi. Pourtant, elle avait jamais travaillé. Elle a pris sa retraite de mère de famille, il y a déjà longtemps. Comme elle a compris que maintenant tous les retraités sont obligés de faire de l’humanitaire, elle a trouvé une occupation. Elle a été embauchée chez Alzheimer. Elle doit rassembler des petits bâtonnets pour voir si elle sait toujours compter jusqu’à dix. Comme elle en oublie, elle recommence pendant des heures. »

extrait de  » La grognasse  »  de Martine Charbonnel ( 2001)

Ebook  en PDF :

http://www.mckeditions.com/romans/la-grognasse/commander-le-pdf-de-ce-livre/

Nostalgique de la spiritualité

arbre bleu et colombe

 

J’ai envie de publier des extraits de mon livre  » Une aventurière de Dieu  » mais je ne m’en sens plus le droit parce que désormais Dieu est devenu un mot tabou qui revient dans presque toutes les pages de ce livre. Et pourtant l’essentiel du contenu de ce livre émane de divers blogs tenus en 2007 et 2008 dont un sur le site du nouvel obs.

Pourquoi avoir l’impression de marcher sur des œufs en mettant en ligne des textes qui auparavant passaient sans problème. La censure est pour beaucoup mais ce n’est pas la seule raison. ce n’est pas non plus la crainte de l’incompréhension et de l’hostilité des personnes acceptant mal ma démarche; à l’époque, j’ai eu mon lot de railleries Internet étant devenu un lieu de propagande et d’instrumentalisation idéologique de l’islam, il me parait de plus en plus difficile d’évoquer en toute sincérité ma spiritualité brouillonne à la lisière de l’intime.

D’aucuns diront que la religion est une affaire privée et qu’il faut donc la taire ou la cacher. Sauf qu’une « aventurière de Dieu » ne parle pas de religion ou lorsque c’est le cas , c’est une plutôt une invitation à son dépassement. Mon livre « Libérez Dieu !  » le dit de façon encore plus explicite.

Lorsque Dieu se vit comme une aventure intérieure, il ressemble à une quête bohème, se réinventant au jour le jour avec des rendez-vous manqués et les clair-obscurs soudain, illuminés par la conscience spirituelle

Les blogs ont remis l’Autre au cœur du processus d’écriture. ll ne s’agit plus seulement de mettre des mots sur un ressenti et découvrir à travers eux quelque chose encore ignoré de soi. Par leur publication ces mots s’adressent à des lecteurs qui s’y reconnaissent ou les condamnent et grâce à ce partage ils contribuent enrichir la pensée humaine.

Le dieu qui se faufile à travers les pages de « une aventurière de Dieu » pourrait parler à chacun à condition de ne pas être appelé Dieu.

Ce livre résonne comme la prise de conscience que Dieu a accompagné mon cheminement jusque dans mes errances, mes amours, mes épreuves ou ma création artistique, Pourtant, ce dont il traite est universel que l’on soit croyant ou pas. Qui pourrait ne pas se sentir concerné par l’amour, l’espérance, souffrance, le remords, le pardon ou la mort ?

Pourquoi faudrait -il taire ces réflexions inspirées ? A l’avenir, nous serons encouragés à ne nous exprimer que sur le sujet du jour conditionné par l’actualité du moment ; du moins sur Internet qui à travers ses réseaux sociaux propose un prêt-penser avec ses options « pour » ou « contre « donnant l’illusion de la liberté.

Utiliser ce moyen de communication pour faire connaître « Une aventurière de Dieu « me semble peine perdue Ce qui s’y échange reste superficiel malgré le passage insistant des poètes qui sèment des pépites de lumière trop vites englouties dans une avalanche de poncifs et de vérités régurgitées.

Pour lire ce livre il se trouvera bien quelques personnes nostalgiques de la spiritualité que la société du paraître confond avec les religions. je ne sais si beaucoup de gens éprouvent cette nostalgie mais quand je relis une aventurière de Dieu je retrouve les sensations d’un merveilleux voyage. Il me faut beaucoup de force intérieure pour qu’elles soient autre chose qu’un souvenir et pour que continue à vivre ce qui s’est alors éveillé en moi.

Voir mon livre ; Une aventurière de Dieu

http://www.mckeditions.com/m%C3%A9ditations-t%C3%A9moignages/une-aventuriere-de-dieu/

Dans un théâtre à l’abandon

jeu de fenêtres

Elle alla s’asseoir au sixième rang pour ne pas être trop près de la scène. Il n’y avait personne et pourtant Alpha avait la désagréable impression d’être observée car une présence invisible semblait hanter les lieux qui sentaient le renfermé. Il n’y avait pas dû s’y jouer de pièce depuis longtemps. Les gens n’allaient plus au théâtre ce qui expliquait le triste état de cet endroit. Les comédiens se préparaient sans doute dans les coulisses. Un inquiétant silence faisait planer une étrange menace. Le régisseur n’était pas encore arrivé mais peut-être faisait-il grève ce jour-là. Vu l’état d’abandon, il devait plutôt être au chômage depuis longtemps. Elle le pensait à cause de la poussière sur les fauteuils et du plancher grinçant auquel il manquait quelques lattes. Elle essaya d’imaginer ce qu’avait pu être ce lieu avant la désertification des espaces culturels. Les rangées de deux cents sièges avaient dû se remplir pour le bonheur d’un public avide de rires de rêves et d’émotions. Les comédiens qui s’étaient succédé sur la scène y avaient déclamé leur flamme, leurs amours contrariées, leurs manigances, leurs haines et leurs chagrins. Certains étaient venus mourir ici, chaque soir pour renaître sous les applaudissements. Des tragédies avaient ainsi traversé les siècles pour faire réfléchir les spectateurs. Les acteurs avaient été les interprètes de ces messages à présent oubliés. Bientôt le théâtre du Labyrinthe deviendrait un cybercafé ou une salle de jeux. Perdue dans ses pensées, Alpha n’avait pas entendu entrer quelqu’un dans la salle. Elle s’en aperçut en voyant s’asseoir au premier rang, une femme très mince vêtue d’un tailleur gris. Il y avait donc encore du public ?

Alpha eut juste le temps de distinguer son visage sans charme, habillé de grandes lunettes cerclées d’écailles. Elle devait avoir environ la trentaine, peut-être moins, II lui sembla qu’elle avait les yeux bleus. Ses cheveux blonds coupés très courts lui donnaient une apparence sévère et volontaire renforcée par un visage anguleux et une mâchoire carrée. Il n’y avait aucune grâce ni féminité dans sa démarche malgré ses chaussures vernies à petits talons. Sans l’élégance de sa tenue, Alpha aurait juré que c’était un homme. Lorsqu’elle se fut assise, elle ne vit plus que son dos d’abord rigide et figé puis secoué par un éclat de rire. Puis elle se retourna.

– Avez-vous vu ce qui est écrit au tableau ?

– Oui, je ne comprends pas très bien.

-C’est pourtant à la portée d’un enfant de six ans. La pièce ne doit pas être très intéressante. J’ai peur de perdre mon temps, ici. J’espérais tout de même plus de public pour la première. Où est passé le metteur en scène ? Il est en retard ?

Alpha se sentait perdue. La femme parlait vite, d’une voix cassante et saccadée.

– Je ne sais pas où il est ni où sont les comédiens. Moi, j’attends ma famille, mes sœurs.

– Je voulais parler du Professeur Adams. Pourquoi n’est-il pas là ? Demain matin à sept-heures et demie, je dois prendre l’avion pour Londres. Je pensais que les équipes de télévision seraient là dès ce soir pour enregistrer la conférence et la pièce de théâtre. Au fait, j’ai oublié de me présenter. Je m’appelle Ipsilon.

Alpha la dévisagea, éberluée. Elle ne pouvait imaginer que cette personne sèche et revêche au physique ingrat pût être le clone d’Ève. Elle écarquillait les yeux.

– Je sais, c’est un prénom bizarre mais j’ai toujours aimé me singulariser. Et puis, je ne l’ai pas choisi.

La stupeur d’Alpha fit place à une sensation de soulagement. Malgré sa rigidité, Ipsilon lui paraissait sympathique précisément parce que très différente d’elle.

 

Extrait de mon livre  » Clonitude »  http://www.thebookedition.com/martina-charbonnel-clonitude-p-103051.html

 

 

Douloureuse rupture

abstrait soleils 1

« La seule chose dont elle était à présent certaine, c’était qu’un homme ne pourrait jamais la rendre heureuse. Issue des monstres, elle devait retrouver les siens. Elle attrapa un pot de peinture rouge et en aspergea la toile que Fouad avait peinte lorsqu’elle était venue poser.

– Tu avais raison ce jour-là..Je n’ai pas une face humaine. Tu peux me représenter comme une constellation d’étoiles ou comme une créature indigne de vivre dans ce monde. Tiens, c’est le sang des règles que je n’aurai jamais !

Elle sortit en claquant la porte. Fouad restait hébété. Elle l’avait atteint dans son intégrité d’artiste, affecté dans sa virilité et déstabilisé dans sa paternité. En refusant de lui tendre la main, il venait de la condamner. Il avait honte de sa lâcheté. II aurait voulu la retenir, mais ne l’avait pas fait. Il n’avait pas su trouver les mots et n’était même pas parvenu à lui dire qu’il l’aimait. Il savait qu’il ne la reverrait jamais. Cette pensée lui fit mal, mais il était soulagé. Il garderait en lui, une trace, un jet d’étincelles sur l’océan que la fatalité n’effacerait jamais. Il alla rejoindre son fils.

Bouleversée Alpha remontait la rue de la Roquette, en direction du Père Lachaise. Sa dernière chance s’était envolée. Sa trop forte souffrance était insaisissable. Personne ne la comprendrait jamais. Fouad ne l’avait pas admise dans le monde des êtres humains. Leur passion avait été d’une autre nature, hors du temps, hors du corps, hors de toute construction possible, abstraite sans doute comme ses toiles. « 

Extrait de mon livre : « Clonitude » http://www.mckeditions.com/romans/clonitude/

L’amour trop tard

nouvelles archi et façades

« Fouad ne pourrait jamais lui faire d’enfant. Elle revoyait leurs nuits enroulées dans une spirale de lumière et en ressentait une immense amertume. Tout volait en éclats. Elle ne comprenait pas comment un même acte pouvait selon les circonstances faire jaillir une pluie d’étincelles ou au contraire, précipiter le corps et l’âme au fond d’un cachot nauséabond. Avec le professeur Adams, elle avait découvert le sexe destructeur qui avait fait dire à Ève que l’homme était une erreur de la nature. Elle ne trouvait pas les mots pour définir un tel avilissement. Ceux du professeur Adams étaient orduriers car il se vautrait dans les tréfonds de l’immonde, fasciné par sa propre abjection. Fouad s’en trouvait auréolé d’une dimension mystique. Ils s’étaient aimés par hasard, au-delà de leurs corps, lui l’étranger à la peau brune, elle poupée de porcelaine désormais brisée. Fouad, c’était la musique d’une clairière en fleurs, le chant des oiseaux à la saison des amours et des senteurs épicées qu’il lui avait révélées. Alpha voulait le rejoindre pour faire reculer la nuit au creux de ses bras. Lui seul pourrait la ramener sur le rivage. Il la porterait, flétrie dans sa blessure. II s’allongerait avec elle sur la batture des vagues. Grisés par les embruns, ils attendraient l’écume… »

Extrait de mon livre :  « Clonitude » http://www.mckeditions.com/romans/clonitude/